GIRONDINS ET MONTAGNARDS (historique)

GIRONDINS ET MONTAGNARDS (historique)
GIRONDINS ET MONTAGNARDS (historique)

GIRONDINS & MONTAGNARDS, historique

Quelques mots sur les termes, d’abord. L’usage d’appeler Montagne (dans un sens d’origine maçonnique, selon Ferdinand Brunot: allusion au mont Sinaï où Israël reçut ses lois) le rassemblement des patriotes les plus «prononcés» est attesté depuis le printemps de 1792. L’appellation antagoniste apparaît plus tardivement; les contemporains parlent d’abord des «brissotins» au temps de la Législative, puis des «rolandins» au début de la Convention; le nom de «Girondins» (venant du trio Vergniaud, Guadet et Gensonné, tous trois députés de la Gironde) apparaîtra concurremment, mais moins fréquemment, et ne sera tout à fait accrédité qu’au début du XIXe siècle où il supplantera les deux premiers.

Le début de l’opposition se situe, au sein même des Jacobins, entre partisans de déclencher une guerre offensive (Brissot, faisant figure de leader de la grande majorité des députés jacobins de la Législative; les habitués rolandins du salon de Manon Roland; les habitués girondins du salon de Mme Dodun, amie de Vergniaud; Condorcet, plus jaloux de son indépendance) et ceux qui y étaient opposés (Marat, Robespierre, Billaud-Varenne, Danton plus modérément). Les débats acharnés entre les deux groupes n’ont pas lieu à l’Assemblée mais au Club, d’octobre 1791 à janvier 1792; en février, il apparaît que la déclaration de guerre a partie gagnée aux Jacobins.

Une deuxième phase du conflit s’ouvre alors, dans la continuité directe de la première. Pour les brissotins, il s’agit de mener la guerre à ses fins (expansion économique, cours forcé de l’assignat hors de France, propagande et conquêtes révolutionnaires), donc d’occuper le pouvoir (ministère «jacobin» Roland-Dumouriez-Clavière-Servan) puis de le reconquérir un peu plus tard (journée du 20 juin, pourparlers secrets du trio girondin avec Louis XVI en juillet). Pour les Montagnards, il ne s’agit pas d’occuper des postes ministériels qui feront le jeu de la Cour, mais de protéger la nation, désormais en guerre, contre les dangers de trahison, de compromission et de césarisme: le combat décisif doit être mené à l’intérieur avant de pouvoir vaincre à l’extérieur. Brissot avait gagné la première manche; l’inéluctable logique des événements donne la deuxième manche à la Montagne, qui prépare seule la journée du 10 août et fait tomber la royauté.

Troisième phase de l’antagonisme, durant les quarante jours qui séparent la prise des Tuileries de la proclamation de la République: le conflit entre la Commune de Paris (entraînée par la Montagne) et l’Assemblée législative (guidée par les brissotins, qui doivent compter avec une droite et même un centre récalcitrants), conflit qui se prolonge entre Danton et Roland parmi les ministres. Croyant la guerre perdue, les rolandins, si belliqueux naguère, veulent abandonner Paris et traiter en organisant des réduits défensifs dans le Midi. Danton et la Commune, qui savent que le sort de toute la Révolution est en jeu, s’y opposent, impulsent les mesures de défense, galvanisent la population. D’où des prises de position économiques et sociales plus hardies pour rallier les sans-culottes des villes et des campagnes; d’où aussi les réactions spontanées d’autodéfense punitive qui aboutiront aux massacres de Septembre (contre lesquels, d’ailleurs, les brissotins ne s’élèveront pas). Paradoxalement, c’est le Girondin Dumouriez qui, vainqueur à Valmy, justifiera la volonté farouche de résistance qui animait la Montagne. Quand la Convention se réunit, les partisans les plus résolus de la Montagne (presque tous les députés de Paris, parmi lesquels Robespierre, Danton, Marat, Collot d’Herbois, Billaud-Varenne, Camille Desmoulins, mais aussi d’autres départements, comme Couthon, Dubois-Crancé, Le Peletier, Levasseur de la Sarthe, Prieur de la Marne, Romme, Jeanbon Saint-André, Saint-Just) et de la «Gironde» (dont les principaux chefs sont dès lors Barbaroux, Brissot, Buzot, Gensonné, Gorsas, Guadet, Isnard, Lanjuinais, Lasource, Louvet, Pétion, Rabaut-Saint-Étienne, Vergniaud, sans oublier Roland toujours ministre, et sans leur adjoindre tout à fait l’esprit fort peu partisan de Condorcet) sont en nombre à peu près égal; mais la Gironde dispose d’une influence largement prépondérante sur la masse plus considérable des hésitants du centre. Elle multiplie sans résultat en fin septembre et octobre 1792 de violentes attaques parlementaires contre Marat, Robespierre et Danton; surtout, elle mène dans tout le pays une campagne d’opinion, dénonçant la dictature parisienne, accusant principalement la Montagne de favoriser les anarchistes et les niveleurs. Les positions sociales se durcissent vite; à Brissot, déclarant le 24 octobre: «Le peuple est fait pour servir la Révolution, mais, quand elle est faite, il doit rentrer chez lui et laisser à ceux qui ont plus d’esprit que lui le soin de le diriger», Robespierre répond le 28: «Ils sont les honnêtes gens, les gens comme il faut de la République. Nous, nous sommes les sans-culottes et la canaille.» Dans ce combat, la Montagne accroît son audience populaire en même temps qu’elle renforce son influence sur le centre parlementaire. Ceux qui n’avaient pas voulu déclencher la guerre mais qui veulent à tout prix la gagner imposent leurs décisions contre ceux qui ont jeté la nation dans le péril et qui tergiversent sur les mesures à prendre. En janvier 1793 l’Assemblée suit la Montagne dans le procès de Louis Capet (sur lequel les Girondins se trouvent eux-mêmes divisés); en mars (lors de la crise engendrée par la trahison de Dumouriez), elle la suit encore pour créer le Tribunal révolutionnaire et le Comité de salut public. Et presque tous les représentants envoyés en mission dans les départements sont choisis parmi les Montagnards, ce qui achève de couper la Gironde des masses.

Maladroite contre-attaque de la Gironde en avril: elle réussit à faire décréter Marat d’accusation, mais pour le voir acquitter triomphalement par le Tribunal révolutionnaire. En mai, elle développe un plan plus ambitieux: briser la Commune de Paris et mettre la main sur les assemblées de section; les sans-culottes, en réponse, sont prêts à l’insurrection. Il devient clair que l’un des deux partis doit être éliminé de la conduite de la République. Légaliste, la Convention répugne à trancher; il faudra les journées populaires des 31 mai et 2 juin pour la contraindre à rejeter de son sein les principaux meneurs de la Gironde.

Évadés ou épargnés, nombre de Girondins se jetteront alors fiévreusement dans les diverses rébellions fédéralistes; mis hors la loi, ils entraîneront à la guillotine avec eux les plus marquants de leurs collègues détenus. Mais dès le 2 juin 1793, la Gironde a cessé d’exister comme force politique signifiante. Treize mois plus tard, la Montagne connaîtra d’ailleurs le même sort. Le 8 mars 1795, la Convention thermidorienne rappellera dans son sein les survivants des Girondins proscrits.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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